L'Ukraine se dote d'une loi interdisant l'Eglise orthodoxe liée à la Russie

L'Ukraine se dote d'une loi interdisant l'Eglise orthodoxe liée à la Russie

Le Parlement ukrainien a voté mardi en dernière lecture un projet de loi prévoyant l'interdiction de l'Église orthodoxe liée au patriarcat de Moscou, souvent considéré comme un relais d'influence du Kremlin, après deux ans et demi d'invasion russe de l'Ukraine.

Une décision "historique" selon des députés ukrainiens et aussitôt prononcée par la Russie mais qui est aussi largement symbolique, car sa mise en application risque de prendre des mois, voire des années.

"Une loi sur notre indépendance spirituelle a été adoptée", s'est félicité sur les réseaux sociaux le président Volodymyr Zelensky qui est à l'origine de cette mesure.

"Décision historique ! Le Parlement a voté un projet de loi qui interdit une filière du pays agresseur en Ukraine", a écrit sur Telegram une députée de l'opposition, Iryna Guerachtchenko.

L'Église concernée par cette décision était jadis la plus populaire en Ukraine, un pays dont la grande majorité des habitants sont orthodoxes. Mais elle a perdu ces dernières années de nombreux fidèles à mesure que le sentiment national ukrainien gagnait en popularité face à l'ex-puissance dominante russe.

Ce processus s'est accéléré avec la création en 2018 d'une Eglise orthodoxe ukrainienne indépendante, puis, plus encore, avec le début en février 2022 de l'offensive russe en Ukraine, ouvertement soutenue par le patriarche russe Kirill.

La branche qui dépendait du patriarcat de Moscou avait rompu ses relations avec ce dernier quelques mois plus tard, en mai 2022. Les autorités ukrainiennes reconnaissent cependant qu'elle est toujours sous influence russe et ont multiplié les mesures judiciaires à son rencontre.

Selon les services de sécurité ukrainiens (SBU), plus de 100 prêtres de cette Église ont fait l'objet de procédures pénales depuis 2022, dont 26 ont été condamnés par les tribunaux.

Colère de Moscou

Des médias assurent que l'Église liée à la Russie compte toujours quelque 9.000 paroisses en Ukraine contre 8.000 à 9.000 pour sa rivale indépendante.

La nouvelle loi ouvre la possibilité d'interdire à terme les diocèses et les paroisses en Ukraine dès la première.

Son vote s'inscrit dans le cadre de la politique de Kiev visant à mettre fin à plus de 300 ans de tutelle religieuse russe, qui s'est intensifiée depuis l'annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014, suivie du conflit armé dans le Donbass (est de l'Ukraine) instigué par la Russie il y a dix ans.

Le texte adopté en première lecture en octobre dernier a été voté mardi par 265 députés, le minimum requis étant de 226.

Son parcours au Parlement n'a pourtant pas été facile, en raison, selon des médias d'opposition, de députés ont soutenu comme pro russes mais aussi de certains de leurs collègues du parti présidentiel, réticents.

Sans surprise, la Russie a aussitôt énoncé la mesure.

"Il s'agit d'un acte illégal qui constitue la violation la plus flagrante des principes fondamentaux de la liberté de conscience et des droits de l'homme", a accusé le porte-parole de l'Église orthodoxe russe, Vladimir Legoïda, sur Télégramme.

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a quant à elle dénoncé une décision ayant pour mais de "détruire l'orthodoxie canonique et véritable et d'apporter à sa place un substitut, une fausse Eglise".

Influence en déclin

Selon les médias, l'application de cette loi risque de prendre beaucoup de temps car l'interdiction de chaque paroisse ou diocèse doit être entérinée par un tribunal.

Devant le célèbre monastère de la Laure des Grottes de Kiev, où se trouvait jadis le siège de cette Eglise et où plusieurs dizaines de ses moines habitaient toujours, une poignée de fidèles priaient mardi sous un soleil de plomb.

Une femme présente parmi eux, Svetlana, avoue s'inquiéter de cette interdiction. "J'ai été baptisée et je me suis mariée dans cette église" explique-t-elle.

"Si l'église ferme, les gens continuent à prier dans les rues, nous installons peut-être des tentes", ajoute cette fidèle de 56 ans.

Igor, un musicien de 21 ans, est d'un avis contraire. "Je soutiens totalement cette interdiction", lance-t-il, accusant cette Eglise d'être de facto "un service spécial du Kremlin".

Selon un sondage réalisé en 2023 par l'Institut international de la sociologie de Kiev, 66 % des Ukrainiens étaient alors favorables à l'interdiction de l'Église liée à Moscou.

Par ailleurs, 54% des Ukrainiens s'identifiaient à l'Eglise indépendante et seuls 4% avec celle soumise au Patriarcat russe, d'après une étude d'opinion réalisée par la même organisation en 2022 contre respectivement 42% et 18% l' année précédente.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : AFP/ SERGEI SUPINSKY

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